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Dans les mots de Rufo

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Message  epsilon Mer 27 Fév 2008 - 10:56

http://www.liberation.fr/transversales/grandsangles/265232.FR.php


Grand Angle
Maison des adolescents
Dans les mots de Rufo
Le célèbre pédopsychiatre quittera bientôt le lieu d’accueil pour les ados en souffrance qu’il dirige depuis trois ans à Paris. «Libération» l’a suivi durant quelques jours, avec les jeunes, leurs parents et les autres praticiens.
Par Eric Favereau
QUOTIDIEN : jeudi 5 juillet 2007
1 réaction

Mardi 26 juin, 14 h 10 : le défilé des maux d’ados
Comme tous les mardis après-midi, Marcel Rufo, le plus médiatique des pédopsychiatres, consulte. Il aime ce moment. L’homme est charmant, bavard. Il adore écouter et raconter des histoires. Depuis trois ans, il dirige la Maison des adolescents à Paris, luxueux édifice de verre, boulevard du Port-Royal, à Paris. Il la quittera le 1er septembre. Retour à Marseille pour cet homme du Sud.
Cet après-midi, c’est un défilé incessant de petites et grandes misères, miroir des maux de l’âge dit «ingrat». Où l’on voit percer, en filigrane, les rapports ambigus que la société entretient avec ce moment fragile de la vie. Arrive d’abord une mère; elle vit seule avec son fils de 15 ans qu’elle a eu avec un amour de passage, en Espagne (1). L’ado devait venir, mais, au dernier moment, il est resté couché sur son lit. «Je l’appelle», lâche aussitôt Rufo. Pas de réponse au bout du fil. Rufo est inquiet. «Si on ne fait rien, à 18 ans, il y a un risque que cela se termine par une hospitalisation d’office. Là, il ne se lève plus, il prend toute la place dans la famille. De fait, les parents arrivent à tenir leurs enfants de 15 à 18 ans, mais après ?» Un nouveau rendez-vous est pris.
C’est au tour d’un couple, venu spécialement de Lille. Le plus jeune de leurs deux enfants a un quotient intellectuel de. 157. Et c’est manifestement difficile. Au fil de l’entretien, apparaît un jeune, un peu têtu et parfois violent. Il a une obsession des mouches, peur de téléphoner aussi. «La question que je me pose, c’est comment ce jeune est parti à la conquête du monde. Ce n’est pas clair, et cela m’inquiète», s’interroge Marcel Rufo.
Le médecin est manifestement agacé, car ces deux premières consultations se sont déroulées sans les adolescents. Ce qui n’est pas fréquent. Une Allemande est arrivée avec son fils de 18 ans: il est toxico et prend un peu de tout. Il est à bout, et demande à être hospitalisé. «La dépendance physique? 90 % décrochent tout seul. L’enjeu est ailleurs, il est dans la relance du jeu psychique», dira, plus tard, Rufo.
Après ? Une famille de Bergerac. Le père est charcutier, la mère aide-soignante. L’enfant a 11 ans. Il est agité, ne reste pas en place. Il ne mange plus depuis qu’on l’a mis sous rétaline, cette amphétamine très controversée que l’on prescrit à tour de bras aux enfants américains hyperactifs. Les parents angoissent, car leur fils a des moments de grande tristesse, et, parfois, se cogne la tête contre les murs pour se calmer. Rufo parle beaucoup, cherche à détendre l’enfant, puis dicte une lettre pour suggérer au médecin traitant d’arrêter la rétaline et de tenter d’autres soutiens, comme le yoga ou la sophrologie.
«Attendez, madame, vous me demandez si votre fille est anorexique ? Mais prenez sa main, regardez !» Cela fait plus d’une demi-heure que les parents sont là, avec leur fille de 15 ans. Rufo, depuis le début de l’entretien, a choisi une certaine fermeté. A la jeune ado, un peu hautaine, il a dit d’emblée: «Je suis désolé, je suis en retard, on va aller au plus vite. Dans dix minutes, tu vas pleurer; alors vas-y, fais-le tout de suite.» La jeune fille est sidérée. Elle hésite, refuse de dire son poids devant ses parents. Rufo insiste, évoque le risque vital pour 10 % des anorexiques. Brutal: «Ce n’est pas toi qui décides. Je propose quelque chose à tes parents, ce sont eux qui ont la responsabilité.» Puis: «Il ne s’agit pas de toi avec moi, mais de toi et de ta maladie .» La jeune fille pleure: «C’est incroyable ! Vous me parlez de la mort, du suicide, d’anorexie, mais depuis deux semaines, j’ai repris un peu.» «Dis-nous ton poids», coupe Rufo. Pas de réponse. «Vous ne me respectez pas», tente la jeune fille. «Si. Je te respecte, mais pas ta maladie.»
Mardi 26 juin, 20 heures : retour sur la «Maison»
Dans son vaste bureau, au premier étage, Marcel Rufo explique son départ. «Trois ans, c’est bien. J’ai 62 ans, envie de monter à Marseille quelque chose autour des enfants guéris, des ados qui se sont sortis de leur cancer.» Il quitte un lieu qui a fait ses preuves. En 2004, à sa naissance, la Maison de Solenn, ou Maison des adolescents, se réduisait pour certains à un gadget ultra-médiatique, œuvre de Bernadette Chirac, inspiratrice et mécène (grâce à son Opération pièces jaunes), et de Patrick Poivre d’Arvor, frappé, neuf ans plus tôt, par le suicide de sa fille anorexique, Solenn. Dans ce monde de la pédopsychiatrie en manque cruel de moyens, on avait critiqué l’architecture de ce lieu volontairement spectaculaire, son hall trop monumental, sa façade trop transparente. D’autres craignaient que l’on ne soigne que «des ados des beaux quartiers».

Ce n’est pas le cas. Les jeunes viennent pour moitié de Paris, et le reste arrive de la banlieue ou de la province. Et la Maison, au fil des mois, remplit plutôt bien sa fonction: être une porte ouverte - sept jours sur sept, de 6 heures à minuit - sur le mal-être, physique comme psychique, des ados. Plus de 1 200 consultations par mois, vingt lits d’hospitalisation toujours occupés, mais aussi une centaine de consultations avec des infirmières pour des parents ou des jeunes qui passent à l’improviste. Au troisième étage, il y a les soins culturels où se côtoient une bonne quinzaine d’ateliers, qui vont du maquillage à la philo, en passant par l’escalade, la relaxation, le chant, la cuisine thérapeutique ou la radio. Des ateliers, ouverts à tous, «mais sur prescription médicale». Et au dernier étage, une magnifique terrasse.
« Aujourd’hui, trois jeunes sont sorties, raconte Rufo dans un large sourire. Toutes sont guéries de leur anorexie.» Et, se tournant vers Christiane, son inséparable secrétaire, il ajoute: « Tu sais ce qu’elle m’a dit, Jeanne. Elle veut être m édecin militaire. Je lui ai dit : C’est bien, tu iras en face au Val-de-Grâce. Et elle me dit: Oui, comme cela, je pourrais t’hospitaliser. » «Et une autre., continue Rufo qui ne peut pas s’arrêter. Sarah m’a dit qu’elle était triste. Je lui ai dit: Tu es triste. Enfin une bonne nouvelle ! »

Jeudi 28 juin, 9 heures : la parole des «hospits»
Dans le bureau de Rufo, c’est l’heure du groupe de paroles des «hospits», c’est-à-dire de la vingtaine de jeunes hospitalisés. Ce sont surtout des filles. Formellement, il y a six lits réservés à des anorexiques, huit lits de psychiatrie, et huit de pédiatrie.
Elles arrivent et, lentement, s’installent dans son bureau. Elles ont des silhouettes si maigres, des visages aux aguets, des gestes de rescapés. «Je voudrais que l’on parle des vacances.» Et Rufo de raconter les siennes, en particulier dans ce village d’Italie dont ses parents sont originaires. Il raconte les objets qu’ils laissaient pour les retrouver l’année suivante. «Allez! A vous. J’arrête de faire le psychiatre.» Toutes parlent. Toutes ont encore un peu sommeil. Cela dure près d’une heure. Rufo est d’une extrême vigilance: il s’inquiète pour l’une, insiste pour qu’une autre remette sa chambre en ordre. «Quand on ne va pas très bien, il faut penser à après», lâche Rufo, avant de clore ce rendez-vous matinal. Devant la porte des médecins, une affiche précise les trois moments de la journée où l’ado peut fumer (dehors, mais accompagné), les heures où le portable est autorisé, et, enfin, les heures pour les toilettes: «Elles sont fermées une heure et demie après chaque repas.»
«Ici, il n’y a pas de séparation, explique Frédéric Pochard, responsable de l’hospitalisation. On ne fait pas de coupure entre l’ado et sa famille, l’ado et ses amis. A quoi cela servirait-il? Il faut faire alliance avec les familles.» Autre particularité: le mélange entre les pathologies mentales et le tout-venant de la pédiatrie. C’est la grande originalité du lieu, par rapport aux autres Maisons des adolescents qui se sont depuis créées dans d’autres villes. Ainsi, dans l’équipe médicale, se côtoient des pédiatres, des endocrinologues, des psychiatres, des gynécologues, etc . «Parfois, l’adolescent préfère voir un pédiatre, explique Emmanuelle Mimoum, chef de clinique en pédiatrie. Ensuite, même en cas d’anorexie gravissime, je reste le médecin référent.»
La veille, mercredi 27 juin, 17 h 30 : l’anorexie
A l’étage des consultations, Jean-Pierre Benoît, psychiatre, est détendu. Il a un peu de temps devant lui. Deux de ses patients viennent d’annuler leur rendez-vous. «Les garçons, c’est vrai, nous en suivons moins. Ils sont plus rebelles. Pour dire vite, ils vont fumer du shit, voler un scooter et c’est la PJJ (protection judiciaire de la jeunesse, ndlr) qui va les suivre, dit le psychiatre. Les filles, elles, vont se scarifier, faire de l’anorexie, et puis on va les voir, pour certaines ici. Cette année, j’ai eu des situations impressionnantes, avec des pertes de poids terribles. Mais après cinq ou six consultations, elles se remettent à manger.» Et Jean-Pierre Benoît d’expliquer : «C’est souvent au début de l’été que cela commence. Elles vont essayer de perdre deux ou trois kilos, et puis c’est la chute. C’est sans fin. Elles nous disent qu’elles n’arrivent plus à s’arrêter de faire un régime. Mon hypothèse, c’est que l’adolescence est un moment de la vie où la dépressivité est normale. Mais s’il y a en plus quelque chose qui aggrave: des parents qui se séparent, une histoire d’amour qui se passe mal, ou bien des abus sexuels. Alors, l’anorexie va leur servir un peu d’antidépresseur, dit le psychiatre. Certaines peuvent perdre jusqu’à 20 kilos, mais vont les reprendre assez vite. Là, on reste dans l’ordre de la névrose. Pour elles, on pourrait parler d’anorexie co ntemporaine, c’est-à-dire liée à une époque où le corps est omniprésent.» Jean-Pierre Benoît se tait un instant. «Mais quand cela rencontre des failles psychologiques importantes, on rentre dans une autre logique.» «Et là, il faut tenir et accompagner le plus longtemps possible. Ce sont alors des hospitalisations de plusieurs mois», dira Rufo.
Jeudi 28 juin, 20 h 30 : le souvenir de Barbara
Des familles attendent dans son bureau. Marcel Rufo ne le cache pas: il est entre Paris et Marseille. S’il va partir, il est encore totalement présent. «Ici, cela aura été ma plus belle expérience. Une équipe formidable.» Puis il se met à parler, longtemps, comme si rien ne pouvait l’arrêter, de ces enfants qu’il adore: «Guérir, ce n’est pas toujours facile. Etre malade est parfois bien plus confortable. C’est pour cela que j’ai envie, à Marseille, de travailler avec des cancéreux guéris. Comment se réadapter après une si grave maladie ?»
Ces jours-ci, à la Maison des adolescents, on évoque souvent le souvenir de Barbara, morte il y a quelques semaines. Elle était suivie en alternance, ici pour ses bleus à l’âme, à Villejuif pour un cancer qui lui a été fatal. En fin d’après midi, Rufo avait parlé d’elle lors d’une réunion avec des adolescents. Tous l’écoutaient. L’une s’est amusée à construire un petit badge de médecin, pareil à ceux qui sont agrafés sur la blouse des soignants. Rufo s’en est amusé. Puis a dit : «Tu étais très liée à Barbara? Tu l’aimais beaucoup. Pourquoi tu ne lui mets pas sur sa tombe ton petit badge. Non?»
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