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Anorexie mentale et boulimie de l’adolescente - partie 1

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Message  epsilon Jeu 28 Fév 2008 - 1:59

Anorexie mentale et boulimie de l’adolescente
L A R E V U E D U P R A T I C I E N 2 0 0 0 , 5 0


Maurice CORCOS
Denis BOCHEREAU
Philippe JEAMMET

Département de psychiatrie de l’adolescent et du jeune adulte Institut mutualiste Montsouris 75014 Paris


Anorexie et boulimie apparaissent électivement à la puberté et au sein de nos sociétés occidentales, offrant un exemple des intrications complexes entre souffrance psychique et expression somatique, trouble de l’individu et affection familiale, voire sociale. Plus qu’une organisation psychopathologique structurée, il convient d’évoquer, dans les troubles du comportement alimentaire, une absence d’organisation stable de la personnalité avec une faible estime de soi et des défenses précaires.
L’évolution est parfois grave mettant en jeu le pronostic vital. La morbidité physique
(ostéoporose, infertilité…) et psychosociale (retrait, dépressivité) est potentiellement forte et dépend de la précocité ou de la qualité de la prise en charge.
Bien que les troubles du comportement alimentaire que sont l’anorexie mentale et la boulimie soient connus et décrits depuis l’Antiquité, ils continuent à susciter un intérêt qui n’a cessé d’augmenter durant ces dernières décennies. Cet engouement, qui reflète l’accroissement de fréquence de ces affections, est lié au caractère provocant et paradoxal de ces conduites : se
situant à un carrefour entre la psychologie individuelle, les interactions familiales, le corps dans son aspect le plus biologique et la société (dite « de consommation »), ces maladies mentales s’avèrent ainsi comporter des conséquences somatiques graves, qui à leur tour retentissent sur l’état psychique et contribuent à entretenir le trouble. En cela, anorexie et boulimie offrent un modèle des enjeux de l’adolescence, s’intégrant parmi les conduites d’addiction ou de dépendance qui se développent préférentiellement à cet âge.1

Épidémiologie

Anorexie et boulimie se déclenchent électivement à la puberté : le début le plus fréquent se situe à 13-14 ans ou 16-17 ans pour l’anorexie, et plus tardivement, 18-20 ans pour la boulimie, périodes correspondant aux moments où la dépendance vis-à-vis de la famille est la plus importante. Ces troubles seraient en augmentation de fréquence dans les pays économiquement développés depuis une vingtaine d’années : sont concernés environ 1%
des adolescentes pour l’anorexie, et de 3 à 12 % pour la boulimie selon les critères
retenus (environ 1,5 % de la population générale). La prédominance féminine est nette : 9 cas sur 10 pour l’anorexie mentale, 7 sur 10 pour la boulimie. Les formes boulimiques
et mixtes sont en expansion : dans ces dernières, soit la conduite anorexique s’accompagne rapidement d’épisodes boulimiques (plus de 50 % des cas), soit le comportement boulimique installé d’emblée est plus ou moins contrôlé par des périodes de jeûne.

Diagnostic

Anorexie mentale

Le diagnostic devrait être aisé, du fait du caractère spectaculaire et stéréotypé des symptômes, mais la fascination qu’induit cette maladie aveugle parfois le clinicien. La triade classique anorexie-amaigrissement-aménorrhée reste d’actualité. La conduite anorexique
annonce le plus souvent le début des troubles : loin d’une perte passive de l’appétit, il s’agit en fait d’une conduite active de restriction alimentaire et de lutte contre la faim, en accord avec la peur de grossir et le désir de maigrir qui apparaissent, eux, comme les signes les plus spécifiques, persistant malgré une perte de poids déjà significative, reflétant ainsi un trouble particulier de l’image du corps.
Rarement reconnue d’emblée, la restriction est constante à un degré variable, comme en témoignent les conduites de surveillance et de méfiance de l’anorexique à l’égard de
la nourriture ainsi que ses nombreux rites alimentaires (décrits par l’entourage qu’ils contribuent à tyranniser : refus de participer au repas familial, saut systématique d’un repas, tri des aliments, refus de prendre une autre nourriture que celle que les malades
cuisinent elles-mêmes). Toutes ces manifestations ont tendance à s’atténuer à l’extérieur du milieu familial. S’en rapprochent la préoccupation concernant le fonctionnement intestinal,
la prise abusive et souvent considérable de laxatifs ainsi que les vomissements provoqués post-prandiaux qui, avec l’hyperactivité, représentent
autant de moyens de contrôle du poids. L’amaigrissement est provoqué, secondaire à la restriction alimentaire, répondant aux aspirations de l’adolescente qui, non seulement ne s’en
inquiète pas mais ne le trouve jamais suffisant : il dépasse rapidement 10% du poids normal et peut atteindre 30 à 50 % du poids initial. La crainte permanente de grossir est difficilement
exprimée d’emblée, mais se traduit dans les multiples mesures de vérification : pesées post-prandiales, recherches sur la valeur calorique des aliments, mensurations des « rondeurs » éventuelles, du tour de cuisse en particulier. La méconnaissance et le déni de leur maigreur, de la part de ces malades, reflètent l’importance du trouble quasi délirant de la perception
de l’image de leur corps ; cette absence caractéristique de souci pour leur état de santé va jusqu’à un sentiment de bien-être et de force croissant avec l’amaigrissement. L’aménorrhée, parfois première en date (1 cas sur 3), suit généralement de quelques mois la restriction
alimentaire : aménorrhée secondaire le plus souvent, mais qui peut être primaire chez les jeunes filles chez lesquelles les troubles commencent avant que la puberté n’ait fait son
apparition. L’absence de fatigue et l’hyperactivité motrice s’associent souvent à la diminution de la durée de sommeil et à des mesures d’ascétisme. Mensonges et manipulations de l’entourage se surajoutent, en nombre et en combinaison variables ; la cleptomanie est fréquente, notamment le vol d’aliments. Sont aussi constatés une absence notable de désir sexuel, un rétrécissement progressif des contacts sociaux, aboutissant à un agrippement
de plus en plus marqué aux parents, en particulier à la mère. L’hyperinvestissement scolaire est habituel, même si les résultats ne sont pas toujours brillants : l’anorexique montre, en ce
domaine comme dans d’autres, un grand perfectionnisme ainsi qu’une quête anxieuse et toujours insatisfaite de performances irréprochables. Enfin, un signe négatif est important : il n’y a pas d’autre affection psychiatrique manifeste (pas de signes dissociatifs, ni de délire ou de syndrome dépressif majeur).
Les signes retrouvés à l’examen physique, les examens complémentaires utiles et les perturbations biologiques secondaires à la dénutrition, fonctionnelles et réversibles, sont détaillés dans le tableau I. Le diagnostic différentiel avec certaines maladies organiques
(panhypopituitarisme, tumeurs du système nerveux central, maladie de Crohn ou d’Addison, syndrome de Turner ou de Stein-Leventhal, maladie de Gaucher…), qui présentent des aspects cliniques communs comme l’amaigrissement ou l’aménorrhée, ne pose en pratique pas de difficultés, la dimension psychologique associée s’avérant facilement discriminante.
Il existe des formes cliniques particulières.

Anorexie mentale du garçon

Cette forme demeure relativement rare et traduit généralement un trouble grave de l’identité sexuée. La peur de grossir est également au premier plan
des symptômes. L’aménorrhée est remplacée chez le garçon par la disparition de tout désir sexuel et par l’absence d’érection.

Anorexie prépubère

Elle attire de plus en plus l’attention parce qu’elle est plus fréquente qu’on ne le pensait (8 % des anorexies mentales débutent avant 10 ans) : elle s’accompagne d’un retard de croissance et est particulièrement sévère sur le plan psycho-pathologique.

Potomanie

La potomanie compulsive apparaît parfois dans le cours d’une anorexie sur un mode qui rappelle les accès bou- limiques, auxquels d’ailleurs elle peut se substituer. Certaines patientes pratiquent un véritable lavage d’estomac afin de s’assurer qu’il n’y a plus d’aliments
ingérés. D’autres boivent jusqu’à 9 à 10 L d’eau par jour avec les conséquences hydroélectrolytiques que l’on imagine.

Mérycisme
`
Le mérycisme est le retour volontaire ou involontaire des aliments de l’estomac dans la bouche, où ils peuvent être de nouveau mastiqués ; ce phénomène est apparenté à la rumination des bovidés. Le mérycisme est moins rare qu’il n’y paraît et demande à être systématiquement recherché, car plus encore que les vomissements, il est tenu caché. Il renvoie le plus souvent à des troubles profonds de la personnalité.

Anorexie tardive

L’anorexie tardive fait souvent suite à un épisode discret, passé inaperçu à l’adolescence. Elle se déclenche en général après le mariage et (ou) la naissance du 1er enfant. Les éléments
dépressifs y sont plus francs ; classiquement, la tendance à la chronicisation s’accentue avec l’âge.

Boulimie

La forme clinique la plus caractéristique mais aussi la plus méconnue est la boulimie compulsive normo-pondérale, évoluant par accès avec vomissements, qui correspond à une consommation exagérée d’aliments ingérés de façon impulsive et irrésistible avec un
sentiment de perte totale de contrôle.
L’accès boulimique se déroule suivant un scénario assez stéréotypé ; son déclenchement brutal, son caractère impérieux, son déroulement d’un seul tenant jusqu’au malaise physique ou au vomissement lui confèrent un caractère de crise. Elle consiste en l’ingurgitation massive, quasi frénétique d’une grande quantité de nourriture ; rapide, sans aucune discontinuité, elle s’accomplit en général en cachette d’une façon totalement indépendante
des repas. Elle survient souvent en fin de journée, et répond fréquemment à un sentiment de solitude que le sujet aggrave en s’isolant pour manger et en demeurant seul après la crise du fait de son dégoût de lui-même. Il n’est pas rare que le sujet prépare l’accès, et achète ou vole en prévision de celui-ci la nourriture nécessaire. Les aliments sont choisis en raison de leur richesse calorique (pain, beurre, pâtes, chocolat) et surtout de leur caractère bourratif ; la quantité prime toujours sur la qualité, le besoin d’engloutir sur la recherche du goût. L’accès est le plus souvent suivi de vomissements toujours provoqués, mais qui avec le temps deviennent quasi automatiques.
Après les vomissements, la boulimie peut reprendre tant que de la nourriture reste disponible. La fin de l’accès peut être suivie d’un état de torpeur à la limite d’un vécu de dépersonnalisation, s’accompagnant de douleurs physiques violentes surtout abdominales ;
il entraîne le plus souvent un sentiment de malaise, de honte, de dégoût de soi, des remords et des auto-reproches.
Malgré cette souffrance, et la conscience du caractère anormal de ce comportement, le malaise va être vite oublié, annulé, ce qui explique le déroulement répétitif des crises de
boulimie. La peur de grossir donne lieu à différentes stratégies de contrôle du poids. Le vomissement provoqué, s’il est le plus habituel, n’est pas le seul moyen utilisé. L’usage de différents médicaments, laxatifs, diurétiques, anorexigènes peut donner lieu à des abus considérables et à des complications somatiques graves. La comorbidité abus (voire dépendance) de drogue et d’alcool et à moindre degré de tranquillisants et d’amphétamines avec la boulimie n’est pas négligeable. La consommation de psychotropes est moindre chez l’anorexique. Dans certains cas, il apparaît nettement une corrélation entre restriction calorique et usage d’amphétamine : gravité de la conduite boulimique et abus de tranquillisants, purges et prise d’alcool et de cigarettes. L’hyperactivité, la pratique intensive d’un sport peuvent également être utilisées dans ce but.
Comme dans l’anorexie mentale, l’image du corps fait l’objet de préoccupations exagérées souvent obsédantes. Mais il n’y a pas de distorsion massive de la perception de la réalité du corps. Le poids est le plus souvent normal, un peu au-dessous des normes, critère exigé pour définir une boulimie au sens strict. Cependant, des conduites boulimiques se retrouvent
chez des obèses ou des patients ayant une surcharge pondérale modérée. Des modifications biologiques et endocrinologiques, là encore fonctionnelles et réversibles, peuvent être
observées : l’axe gonadotrope est moins atteint, les anovulations et les aménorrhées secondaires sont moins fréquentes ; par contre, le risque d’hypokaliémie existe, du fait des vomissements provoqués, avec ses conséquences cardiaques éventuelles.
La variété typique de boulimie peut demeurer totalement méconnue. Il n’est pas rare que, même cachée, elle puisse être décelée par des lésions dentaires et des ulcérations gingivales, ou par un accroissement du volume des glandes parotides. À côté de cette forme typique peut exister une boulimie sans vomissement avec d’autres mesures de contrôle du poids ou avec
une surcharge pondérale plus ou moins importante.


Dernière édition par epsilon le Ven 29 Fév 2008 - 11:45, édité 2 fois (Raison : Mise en forme)
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Message  epsilon Jeu 28 Fév 2008 - 1:59

Évolution

Il s’agit d’affections potentiellement graves qui doivent toujours être prises au sérieux. L’évolution de l’anorexie mentale est actuellement bien connue.2

Il existe des formes spontanément curables, mais la majorité des cas s’inscrivent dans la durée : près de 80 % des malades anorexiques traités reprennent une alimentation et un
poids normaux ; 70 % retrouvent spontanément un cycle menstruel et ont des possibilités normales de procréation ; 50 % gardent des difficultés psychologiques gênantes à long terme (tendances dépressives marquées, phobies diverses, plus ou moins extensives,
restriction et appauvrissement des champs d’intérêts et des contacts). Les patientes ayant des aménorrhées prolongées (plus de 6 mois) peuvent développer une ostéopénie irréversible, constituant un facteur de risque pour l’apparition de fractures.2
De même, dans les formes chroniques, les anomalies de la statique vertébrale peuvent être importantes. Les patientes boulimiques dysménorrhéiques, plus qu’aménorrhéiques, et prenant plus souvent une contraception orale ne sont pas à l’abri de complications osseuses. Les données actuelles concernant les risques d’infertilité sont partielles,3 mais des facteurs psychologiques et organiques concourent probablement à une fertilité moindre.
Quinze à 20 % des anorexiques évoluentvers la chronicité, c’est-à-dire au delà de 4 ans d’évolution (en sachant que des améliorations restent possibles, y compris très tardivement).4
Sept à 10 % ont une évolution mortelle, que ce soit du fait de la cachexie ou des complications somatiques (troubles du rythme cardiaque secondaire à l’hypokaliémie,
infections), ou par suicide surtout fréquent chez les anorexiques qui deviennent boulimiques. Bien que l’évolution de la boulimie soit moins bien connue, on considère qu’elle est le plus souvent chaotique, comprenant de nombreux épisodes boulimiques qui ponctuent des périodes variables de rémission. La chronicisation et la morbidité psychosociale apparaissent très importantes. Les tentatives de suicide sont plus fréquentes que dans l’anorexie.
Les complications somatiques sont parfois sévères : troubles du cycle menstruel, troubles dentaires, altération des muqueuses buccopharingées ou digestives, troubles hydroélectrolytiques avec leurs conséquences sur le rythme et la conduction cardiaque,
complications somatiques diverses liées à l’automédication (laxatifs, diurétiques, extraits thyroïdiens, substances émétiques) (tableau II). Le risque d’ostéoporose est confirmé.5

Pronostic

Certains éléments cliniques constituent sans conteste des facteurs pronostiques négatifs : pour l’anorexie, les formes prépubères, chroniques, masculines ou avec méricysme associé ; pour la boulimie, les formes impulsives. Néanmoins, le facteur pronostique essentiel est la nature du trouble psychopathologique sous-jacent à la conduite alimentaire anormale, qui pourra être apprécié indirectement par la qualité, la souplesse, la richesse du fonctionnement prémorbide (difficile à évaluer correctement au début du suivi, tant la
méconnaissance d’une souffrance psychique antérieure, par l’entourage, voire par la patiente elle-même, est fréquente), et par la persistance ou non d’un environnement familial, amical, sentimental satisfaisant, témoignant de la plus ou moins bonne capacité
d’aménagement des relations interpersonnelles: autrement dit, de la mise en place préalable et de la préservation de possibilités d’étayage plus ou moins diversifiées sur l’extérieur.

Comorbidité

De nombreux symptômes psychiatriques sont observés au cours de l’évolution.6 Ils peuvent se comprendre à la lumière des données psychopathologiques sous-tendant ces conduites : la problématique de dépendance y est centrale, ce qui rend compte de l’apparition de ces troubles à l’adolescence, lorsqu’il s’agit d’accéder à la sexualité génitale, d’achever ses identifications, et surtout de se séparer des parents.7 La qualité des intériorisations préalables, et corrélativement de l’estime de soi, qui s’est établie au cours de l’enfance, grâce aux liens noués avec les proches, se trouve donc mise à l’épreuve ; or, c’est elle qui
va permettre ou non de franchir le cap, puisqu’elle détermine les ressources propres dont dispose l’adolescent(e), et ses capacités à assumer son identité sexuée. Le symptôme alimentaire extériorisé occupe là une place et une fonction particulières, puisqu’il apaise dans un premier temps toutes sortes de tensions psychologiques (anxiété, dépression,
troubles divers de la personnalité), tout en contribuant ensuite, par son inefficacité à soulager durablement et en profondeur, par sa tendance à l’auto-renforcement, à l’aggravation secondaire des troubles. Croyant s’être affranchie de sa dépendance à autrui et de sa fragilité grâce à son symptôme, la patiente se retrouve en fait doublement contrainte, toujours seule et désormais enfermée dans sa conduite…
Ainsi, on peut observer dans l’évolution des patientes anorexiques l’apparition d’une symptomatologie dépressive plus ou moins marquée, de troubles anxieux (phobie sociale,
troubles obsessionnels compulsifs) et plus rarement d’abus de substances toxiques (alcool, cannabis). Concernant les troubles de la personnalité, ils se répartissent en personnalité narcissique, psychose froide, troubles névrotiques. Les boulimiques présentent plus fréquemment au cours de l’évolution des comportements impulsifs (alcool, toxicomanie, tentatives de suicide, automutilation) ; un syndrome dépressif majeur serait présent à un
moment donné du trouble chez 60 à 80 % des patientes, un trouble anxieux dans 20 % des cas. Concernant les troubles de la personnalité, la représentation schématique serait la suivante: état limite 25 à 45 % des cas, personnalités histrioniques 10 % des cas, plus rarement personnalité obsessionnelle- compulsive, évitante, schizoïde, antisociale.
Le paroxysme est représenté par les formes chronicisées d’anorexie, fantôme sans âge vivant dans l’ombre d’une mère omnipotente et omniprésente, ou dans celle d’un mari-mère
souvent corpulent, tyrannisé par sa femme anorexique qu’il continue de nourrir sur tous les plans, sans profits possibles.
Les formes qui évoluent vers la psychose sont atypiques dans leur symptomatologie et plus marquées par les signes déficitaires que par la productivité. Dans le cadre de ces évolutions
graves les malades qui s’en sortent le mieux sont probablement ceux qui évoluent vers une paranoïa, plus de caractère que symptomatique.

Traitement

Les objectifs du traitement sont triples. Traiter le symptôme majeur Traiter le trouble de la conduite alimentaire est la démarche prioritaire car celui-ci a des conséquences physiques
graves, parfois mortelles, surtout dans le cas de l’anorexie mentale (tableaux III et IV), une tendance à s’auto-entretenir et à s’auto-renforcer sur un mode toxicomaniaque et, enfin, des effets psychologiques négatifs. Le traitement est plus facilement codifiable dans le cas de l’anorexie mentale : c’est le contrat de poids9 par lequel la patiente, ses parents et le médecin s’engagent à une reprise régulière du poids par les moyens les plus naturels possibles. S’il ne peut être tenu en ambulatoire, la patiente est hospitalisée avec séparation
totale de son milieu habituel (ni visites, ni courrier, ni téléphone) jusqu’au poids convenu, puis reprise de contacts jusqu’à la sortie définitive à un poids fixé d’avance et très proche
du poids réel. L’isolement au sein même du service hospitalier est rarement nécessaire, si le service est habitué à traiter ces patientes. L’objectif est au contraire, dans un cadre sécurisant, d’ouvrir vers des modalités relationnelles plus variées, et d’accompagner la relance d’investissements plus authentiques. La réalimentation par sonde gastrique est réservée aux cas très dénutris, en situation de danger vital, ou qui ne répondent pas aux
mesures de séparation habituelles. Les rechutes sont fréquentes, sans être forcément
de mauvais pronostic, et nécessitent une reprise du protocole précédent.
Le traitement symptomatique de la boulimie est plus difficile. L’hospitalisation est réservée aux cas les plus sévères : formes évolutives avec « état de mal » boulimique (l’intensité et la fréquence des crises désorganisant la patiente), ou avec symptomatologie dépressive majeure et (ou) risque suicidaire.
Il vaut mieux alors en fixer d’emblée la durée et les objectifs précis. Les mesures d’encadrement diététiques s’avèrent souvent utiles et doivent s’articuler avec les approches
psychothérapiques.

Traiter la personnalité

Cela s’avère un complément indispensable si l’on veut avoir une action durable sur la conduite symptomatique.
Les psychothérapies sont les moyens d’action privilégiés dans ce domaine. Leurs modalités sont fonction de la formation du thérapeute, mais dépendent aussi de la personnalité
des patientes et de leurs options personnelles : psychothérapie psychanalytique ou cognitivo-comportementale.
La continuité relationnelle, ainsi que l’idéalisation habituelle du thérapeute, assurent un apport narcissique qui aide à restaurer le sentiment de valeur personnelle, constamment
atteint chez ces patientes. L’utilisation de médiations de type ergothérapique centrées sur le dessin, la musique, la relaxation, ou encore le soutien mutuel de groupes de patientes présentant la même maladie sont souvent bénéfiques, tant l’échange verbal isolé reste
souvent peu « nourrissant » (ou peu recevable) initialement. La chimiothérapie
antidépressive et plus rarement anxiolytique peut être un adjuvant utile dans les cas où les symptômes dépressifs ou anxieux occupent une place importante.
Un traitement par agoniste sérotoninergique (fluoxétine, Prozac) peut permettre l’abrasion transitoire d’une symptomatologie boulimique, par un effet direct sur le contrôle de la
satiété. L’échappement au traitement est cependant souvent observé après quelques mois.

Traiter les dysfonctionnements familiaux

Ils sont préexistants ou découlent du trouble, et jouent un rôle plus ou moins grand dans leur entretien. Leur abord et leur traitement exigent au minimum un travail de consultations parentales et parents-patiente, parfois une véritable thérapie familiale (systémique ou d’inspiration psychanalytique). Les objectifs sont, schématiquement, d’aider
à se dégager de la polarisation sur les symptômes alimentaires, d’assouplir les modalités les plus rigides et les plus pathogènes de communication, de faciliter la restauration d’une identité propre et de limites plus satisfaisantes chez chaque membre de la famille. Le
groupe de parents est également une formule intéressante en ce qui concerne les anorexiques.

Conclusion

L’approche psychodynamique considère le symptôme alimentaire, anorexique ou boulimique, comme une modalité corporelle et comportementale d’expression d’une souffrance psychique, survenant chez une jeune femme qui reste le plus souvent fixée
à une problématique relationnelle conflictuelle avec sa mère. La nature de la prise en charge est étroitement liée à la forme clinique : anorexie restrictive pure, boulimie avec ou sans purges, formes mixtes. Le traitement est nécessairement long, passant par
l’abord de la conduite symptomatique qui a une tendance naturelle à s’autorenforcer ; celui de la personnalité sous-jacente (psychothérapie individuelle) et celui des interactions pathologiques avec l’environnement.

SUMMARY
Anorexia and bulimia in adolescents Maurice Corcos, Denis Bochereau, Philippe Jeammet Anorexia and bulimia appear most frequently within puberty in our occidental societies, offering an example of complex relationships between psychic suffering and somatic expression, individual trouble and familial or even social pathology. In this article are detailled symptomatology, comorbidity and evolution of these affections, and proposed some guidelines for treatment.

Rev Prat 2000 ; 50 : 489-94

RÉFÉRENCES

1. Agman G, Corcos M, Jeammet P. Troubles des conduites alimentaires. Éditions Techniques - Encycl Med Chir (Paris, France), Psychiatrie, 37-350-A-10, 1994,
16p.

2. Girardon N, Corcos M. Anorexie mentale et ostéoporose. Revue de la littérature et perspectives. Ann Psychiatrie 1996 ; 12 : 169-73.

3. Corcos M, Girardon N, Granet Ph, Jeammet Ph. TCA, grossesse et infertilité : revue de la littérature et perspectives. Ann Med Psychol (Paris) 1997 ; 155, n° 7.

4. Jeammet P, Brechon G, Gorge A. Le devenir de l’anorexie mentale : une étude prospective de 129 patients évalués au moins 4 ans après leur première dmission.
Psychiatr Enfant 1991 ; 34 : 381-442.

5. Corcos M, Chambry J, Guilbaud O, Jeammet Ph. La boulimie : facteur de déminéralisation osseuse. Submitted Am J Psychiatry 1999.

6. Pellet J, Lamy F, Estour B, Chazot L. Les troubles du comportement alimentaires : Rapport de psychiatrie présenté au Congrès de psychiatrie et de neurologie
de langue française. LXXXXIe session, Pointe-à-Pitre, 25-30 avril 1993.

7. Kestemberg J, Kestemberg E, Decobert S. La faim et le corps. Paris : PUF, 1972.

8. Apfelbaum M. Signes nutritionnels de gravité au cours des anorexies mentales. Communication au Symposium International « Les troubles des conduites alimentaires». Paris, 1991.

9. Richard B. Parcours thérapeutique d’une anorexique mentale. Paris : ExpansionScientifique Française, 1996.


Dernière édition par epsilon le Ven 29 Fév 2008 - 11:48, édité 3 fois (Raison : Mise en forme)
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